8ème Sommet Africités : envisager l'avenir de la région africaine

8ème Sommet Africités : envisager l'avenir de la région africaine

Africités est le grand rassemblement municipaliste du continent africain. L'événement, qui s’est tenu dans la ville de Marrakech, au Maroc, et organisé par la section africaine de CGLU (CGLUA), a rassemblé plus de 8000 participants de 53 pays à travers le continent. A l’occasion de ce rassemblement le mouvement municipal africain a abordé, avec une perspective optimiste, les questions les plus importantes - et même douloureuses - de la région.

Certains des points qui ont été abordés étaient les suivants: Comment assurer un avenir à la jeunesse africaine, la question des enfants des rues, la remise en cause de l'omniprésence des établissements informels dans les plus grandes villes de la région, le rôle que le secteur informel joue dans l'économie africaine et la réduction des inégalités en Afrique.

L'égalité des genres et l'inclusion, essentielles pour la réalisation des agendas mondiaux

Le renforcement de l’autonomie d'une génération de jeunes dirigeant-e-s de la région était l'un des principaux objectifs du sommet. La session ouverte intitulée « Stratégies d'égalité de genre et d'inclusion sociale : pour une transition juste de l'Afrique » a réuni un grand nombre de dirigeants locaux et de partenaires pour le développement de l'Afrique pour débattre sur  l'importance d'intégrer l'égalité des genres dans le développement local et la gouvernance en Afrique, et pour adopter un pacte de collaboration entre les sections africaines et européennes de CGLU visant à développer ces activités. A la fin de la session, les élues locales africaines et européennes ont adopté le Pacte Afrique-Europe de Marrakech pour poursuivre leur collaboration à l'élaboration d'une charte pour l'égalité locale des genres en Afrique. Dans le cadre du Sommet Africités, le REFELA, le réseau des maires élues d'Afrique, a réélu Célestine Ketcha Courtés, maire de Bangangté, au poste de présidente, et a élu son Bureau exécutif, composé de 45 élus des villes africaines.

« Les femmes élues ne sont que 6% en Afrique au niveau local, alors qu'elles sont en moyenne 23% dans le reste du monde. Nous devons nous concentrer sur l'Agenda 2030, et en particulier l’ODD 5 sur l'égalité entre les sexes, pour réaliser pleinement l'égalité de la participation entre les sexes »  Célestine Ketcha Courtés, maire de Bangangté, présidente du REFELA.

[Lire : Pacte de collaboration vers une Charte Africaine pour l’Égalité Locale]

L'accès au financement, clé de l'autonomisation des collectivités locales et de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement

Les participants représentants des gouvernements nationaux sont de plus en plus conscients que le phénomène de l'urbanisation commence à abandonner la dichotomie rurale-urbaine, qui a été le récit dominant sur le continent au cours des dernières années). L'avenir évoluera vers un dialogue multi-niveaux dans lequel le phénomène urbain n'est pas seulement la question des grandes villes, mais des nombreuses villes intermédiaires qui sont l'espoir d'un développement urbain durable.

Les villes africaines ont construit une base solide pour l'Organisation mondiale des gouvernements locaux et régionaux du monde. Au plan mondial, les villes africaines ont fait valoir l'idée que la solution aux défis mondiaux passe par l'innovation et le développement. Nous avons été témoins de la façon dont les gouvernements locaux et nationaux du continent ont abordé la question territoriale, le renouvellement des finances locales, le renforcement des mécanismes démocratiques dans une session spécifique consacrée à la localisation des objectifs de développement durable en Afrique, qui a mis en lumière un large éventail d'expériences et de stratégies adoptées par les gouvernements locaux et régionaux africains pour promouvoir l'intégration et la mise en œuvre des ODD au niveau local et régional. La session a été présidée par le maire de Nguelemendouka, Jean Marie Nguele, qui a présenté les progrès réalisés au Cameroun.

« Nos villes développent déjà des actions pour localiser les objectifs mondiaux, mais nous devons inclure toutes les parties prenantes concernées, y compris le secteur privé, dans nos actions pour atteindre les ODD.» Tshepiso Solly Msimanga, maire exécutif de la ville de Tshwane

Tout au long du Sommet, plusieurs sessions ont été spécifiquement consacrées aux finances locales sous différents angles : du renforcement des revenus autonomes des collectivités locales à l'amélioration des transferts fiscaux intergouvernementaux, en passant par le lancement du Fonds africain de développement des villes (Fodeva) qui a constitué une étape majeure pour renforcer la capacité des collectivités locales à accéder au financement. 

La nécessité de consolider le potentiel fiscal des collectivités locales, l'accès des gouvernements nationaux à des transferts financiers transparents et prévisibles, un environnement institutionnel favorable permettant aux collectivités locales d'accroître leur autonomie financière et d'avoir un accès moins contraint aux marchés des capitaux, sont essentiels pour garantir la fourniture des services dont leurs communautés ont besoin. La nécessité de recueillir des données et des indicateurs sur l'état des finances des collectivités locales a également été jugée essentielle pour suivre leur évolution et informer de manière significative le débat public sur le financement local au niveau national.

[Lire : CGLU et CGLU Afrique co-organisent une session sur la localisation des ODD en Afrique]

Le rôle des villes et métropoles intermédiaires dans l'avenir de l'Afrique

Avec une journée complète composée de 2 sessions dédiées aux Villes Intermédiaires Africaines en général, les Villes Intermédiaires de CGLU ont co-organisé avec leurs partenaires un premier atelier pour donner suite à l'accord signé en juillet 2018 entre CGLU, CGLU-Afrique ONU-Habitat, le Ministère de l'intérieur du Maroc et le Ministère de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire pour une stratégie nationale des villes intermédiaires au Maroc.

La première session a été consacrée à un dialogue avec les maires des villes intermédiaires en Afrique, et en particulier au Maroc.  La deuxième session a été organisée en collaboration et avec l'appui efficace du Ministère de l'Urbanisme et de l'Aménagement du Territoire : les composantes nationales et les études ont été mises en perspective au niveau international, avec les experts et partenaires de CGLU, ainsi qu'avec ONU-Habitat.

Lors d'une table ronde sur « Les villes intermédiaires en Afrique », Mohamed Sefiani, Maire de Chefchaouen et Président du Forum mondial des villes intermédiaires de CGLU, a appelé au renforcement du rôle de ces villes, notamment dans les domaines du développement durable et des défis du changement climatique, afin que le Maroc fasse des efforts considérables pour soutenir ces villes.

La Communauté de Pratique « Gouvernance territoriale de l’alimentation, sécurité et transition alimentaires », mise en place au sein de CGLU par l'Association des Régions de France, et qui est au cœur du Forum des Régions de CGLU, s’est réunie à cette occasion auquel et à laquelle ont participé une quinzaine d’élus, maires, présidents et vice-présidents de régions.

[Lire : Gouvernance territoriale, sécurité et transition alimentaires]

Metropolis, la section métropolitaine de CGLU, a officiellement lancé le 22 novembre dernier le Forum africain des villes et régions métropolitaines, un événement qui a permis de cerner les défis auxquels sont confrontées les villes et les métropoles, et de générer un riche débat autour des agendas mondiaux mais aussi de partager nos connaissances pour relever les défis du changement climatique, du financement, des migrations et de la qualité de vie.

Cette réunion qui a rassemblé les principaux décideurs politiques africains comptait avec la participation de 15 villes membres, ainsi que le Président de CGLU, Mpho Parks Tau, le Premier Ministre du Gauteng, David Makhura, président du Forum, la Secrétaire Générale de CGLU, Emilia Saiz ainsi que la récente Présidente élue de CGLU Afrique et maire de Libreville, Rose Christiane Ossouka Raponda et le Secrétaire Général de Metropolis, Octavi de la Varga.

La contribution des gouvernements locaux d'Afrique à la gouvernance de la migration urbaine

Les flux migratoires et le changement climatique ont été une question clé au cours du sommet Africités et seront déterminants pour l'avenir de l'Afrique. Avec l'adoption du Pacte mondial sur la migration dans quelques semaines à peine, la session sur la migration a souligné la nécessité de prendre en compte les points de vue des autorités locales et régionales sur des questions qui, comme la migration, sont proches de leur gouvernance, et a appelé à une meilleure représentation des collectivités locales et régionales tant dans la mise en œuvre que dans le suivi du Pacte mondial.

La gouvernance des migrations sera importante pour l’avenir de l’Afrique, car le continent accueille plusieurs formes de migrations: déplacements du rural vers l’urbain, économiques, circulaires ou forcés, liés aux conflits sociaux, politiques ou économiques ou aux effets du changement climatique. Avec l’adoption du Pacte mondial sur la migration, la Journée Migration d’Africités a permis aux dirigeants locaux des territoires de départ, de transit et d’accueil, de mettre en avant leur politiques et programmes pour entourer la migration et la mettre en lien avec le développement local durable.

La migration est une réalité gérée par les institutions locales et régionales. Le rôle assumé par l'administration locale est multidimensionnel et multi-situationnel. Les autorités locales et régionales assument un rôle important pour soutenir les opportunités à l'origine, offrant aux habitants une alternative à la migration, mais également en les soutenant dans leur projet migratoire, afin de garantir une mobilité sûre, ordonnée et régulière. En outre, dans les territoires de transit ou frontaliers, les administrations locales et régionales doivent gérer des pressions imprévues sur la fourniture services de base comme les ressources en eau ou en électricité, la gestion des déchets, les systèmes et infrastructures d'éducation et de soins de santé, le parcs de logements, le marché du travail, etc. Les villes hôtes doivent également adapter leurs stratégies et leur planification pour intégrer les nouveaux arrivants, à la fois pour leur fournir un cadre propice à leur intégration et pour favoriser leur contribution au développement durable local.

Rappelant la dimension interne de la migration en Afrique et le rôle clé joué par les autorités locales et régionales dans la gouvernance des migrations, la Journée Migration d’Africités a appelé à une représentation accrue de la constitution des gouvernements locaux et régionaux, à la fois dans la mise en œuvre et dans le suivi du Pacte mondial pour les migrations. Ceci doit par ailleurs être soutenu par une inclusion plus profonde et plus concrète des gouvernements locaux et régionaux dans les politiques migratoires nationales respectives.

« Les collectivités locales et régionales ont un rôle crucial à jouer pour soutenir l'inclusion des migrants et éliminer les obstacles à leur contribution au tissu local. L'accès aux services de base est le point de départ, mais une forte coordination doit être tissée entre toutes les sphères de l'administration.» Mpho Parks Tau, Président de CGLU.

[Lire : Discours prononcé par Parks Tau, Président de CGLU lors de la session sur la migration (seulement disponible en anglais) ]

Le rôle des gouvernements locaux dans le patrimoine dans un monde de plus en plus urbanisé

Le Sommet a apporté des perspectives qui dépassaient la portée traditionnelle de ces questions et visait à développer un nouveau récit et de nouveaux modèles qui tiennent compte à la fois de la créativité de la jeune population africaine et de l'héritage culturel du continent construit à partir de ses communautés. Les changements contemporains dans les domaines de la culture et de la communication et, en particulier, la manière dont la culture est confrontée à ces changements ont été abordés. Au cours de la session, l'urbanisation accélérée, la spéculation, le développement urbain non planifié, le financement limité des projets culturels et la place secondaire des aspects culturels dans les agendas mondiaux.

Deux événements majeurs ont marqué le dernier jour du sommet : le dialogue tripartite entre les maires, les ministres et les partenaires au développement, moment fort du débat que Jean-Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de CGLU-Afrique, a souhaité « reproduire avec la même intensité dans chacun des pays du continent » et le lancement, par Son Altesse la Princesse Lalla Meryem du Maroc, de la « campagne panafricaine des villes africaines sans enfant des rues ». Plus de 30 millions d'enfants vivent dans la rue en Afrique. Le Maroc mettra en place une première expérience de la campagne dans la ville de Rabat et soutiendra son déploiement dans toute l'Afrique.

« Ce qui compte, ce n'est pas seulement le monde que nous laissons à nos enfants, mais aussi les enfants que nous laissons à ce monde.» Son Altesse la Princesse Lalla Meryem du Maroc

Enfin, le 8ème Sommet Africités a vu l'élection de la première femme Présidente de CGLU-Afrique, qui est aussi la première femme élue maire de Libreville :

« Je m'efforcerai de poursuivre notre mission de sensibilisation, de plaidoyer, de mobilisation et de consolidation de la paix. » Rose Christiane Ossoka Raponda.

 

Le pavillon des collectivités locales et régionales, le " Local4Action Hub ", a été un lieu de travail et d'échange d'idées tout en assurant la visibilité et la coordination entre les membres de CGLU et leurs partenaires. Il a permis également de renforcer les relations de collaboration en Afrique. En reconnaissance de cela, nous avons été heureux d'apprendre que cet espace a reçu le prix du meilleur design, aux côtés de la ville de Marrakech. Nous continuerons à travailler pour créer des lieux qui permettent un véritable échange de coopération entre tous!

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